Assemblée plénière des évêques de France – Ouverture de l’assemblée plénière d’automne 2023, le vendredi 3 novembre 2023.
Discours de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, Président de la CEF.

Découvrez le discours d’ouverture de l’Assemblée plénière prononcé ce matin par Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France. Puis en fin d’article, le message et la bénédiction du Saint-Père aux évêques de France, lu en hémicycle par le Père Hugues de Woillemont, Secrétaire général de la CEF.

Chers Frères évêques de France, ces derniers mois, de manière exceptionnelle, plusieurs occasions nous ont été données de nous retrouver, sinon absolument tous, du moins en grand nombre :

  • Les Journées Mondiales de la Jeunesse, à Lisbonne, où nous avons reçu du million et demi de jeunes présents – parmi lesquels 45 000 Français – une dose formidable d’énergie et de joie chrétiennes, et des Portugais, un exemple d’hospitalité et d’élégance dans les célébrations ;
  • Les Rencontres méditerranéennes à Marseille et la visite du Pape qui les a conclues, moment heureux, plein de douceur et de beauté, pour lequel je remercie en notre nom à tous et je félicite l’archevêque de Marseille, le cardinal Aveline, et ses collaborateurs variés, et tous les Marseillais ;
  • Le consistoire, qui a vu la création comme cardinaux de Mgr François Bustillo et de Mgr Christophe Pierre, moment de fierté pour la Corse et la France entière, l’Espagne et les Franciscains, pour Saint-Malo et, de nouveau, la France entière ;
  • La veillée de prière Together à l’initiative de la Communauté de Taizé à la veille de l’ouverture de la session synodale ;
  • Le rassemblement Kérygma, il y a deux semaines ici à Lourdes, réconfortant, éclairant, dynamisant, pour lequel j’exprime une vive gratitude au Service National de la Catéchèse et du Catéchuménat, mené par Mme Pauline Dawance et, désormais, Mme Catherine Chevalier, ainsi qu’à Mgr Vincent Jordy qui en avait porté l’intuition et Mgr Olivier Leborgne qui a su l’accompagner jusqu’à la pleine réalisation ;
  • Et aussi des ordinations d’évêques, et j’en profite pour saluer ceux qui ont intégré récemment le collège épiscopal : Mgr Loïc Lagadec, évêque auxiliaire de Lyon, le 30 avril, Mgr Philippe Guiougou, évêque de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, le 9 juillet ; Mgr Olivier de Cagny, évêque d’Évreux, le 9 septembre, Mgr Étienne Vetö, le 9 septembre aussi, Mgr Pascal Chane-Teng, évêque de Saint-Denis de la Réunion, le 15 octobre, et Mgr Grégoire Cador, évêque de Coutances, le 15 octobre encore et ceux qui s’apprêtent à le faire et que je remercie du fond du cœur d’avoir accepté cette charge dont nous demandons qu’il soit pour eux le doux joug du Seigneur : Mgr Emmanuel Tois et Mgr Benoît Gschwind, respectivement nommés, évêque auxiliaire de Paris et évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix ; je salue aussi Mgr Bruno Valentin, passé le 15 juillet du statut envié de coadjuteur à celui de titulaire de Narbonne et Carcassonne ; et les évêques qui ont été transférés, Mgr Pierre-Yves Michel, de Valence à Nancy, le 18 mai ; Mgr Laurent Le Boulc’h, de Coutances à Lille, le 20 mai ; Mgr Jean-Pierre Vuillemin, de Metz au Mans, le 21 mai ; Mgr Thierry Scherrer, de Laval à Perpignan, le 18 juin ; Mgr Thierry Brac de la Perrière, de Nevers à Lyon comme évêque auxiliaire, le 26 juin, et Mgr Jean-Pierre Batut, de Blois à Toulouse, comme évêque auxiliaire, le 10 septembre ; Mgr Thibault Verny, d’auxiliaire de Paris à titulaire à Chambery, Saint-Jean-de-Maurienne et Tarentaise, le 27 août ; Mgr Jean-Louis Balsa, de Viviers à Albi, le 17 septembre. Je remercie encore ceux qui ont accepté la charge d’administrateurs apostoliques : Mgr Philippe Ballot, pour Strasbourg, le 27 mai ; Mgr François Jacolin, pour La Rochelle, depuis le 22 juin ; Mgr Benoît Rivière, pour Nevers, depuis le 26 juin ; Mgr Pierre-Marie Carré, pour Agen, depuis le 19 août, et ceux qui ont été choisis pour administrateurs diocésains : le P. Éric Lorinet, pour Valence, le 19 mai ; le P. Frédéric Foucher, pour Laval, le 23 juin ; le P. Didier-Marie de Lovinfosse, pour Blois, le 28 juin ; le P. Denis Béligné, pour Saint-Dié, le 14 septembre ; le P. Fabien Plantier, pour Viviers, le 19 septembre. Je les assure de la disponibilité de nous tous et des services de notre Conférence pour les soutenir. Ces mentions m’invitent à saluer les évêques devenus émérites : Mgr Hubert Herbreteau ; Mgr Jean Legrez ; Mgr Gilbert Aubry ; Mgr Christian Nourrichard ; Mgr Jean-Louis
    Papin ; Mgr Alain Planet ; Mgr Luc Ravel. Nous nous sommes réunis aussi pour accompagner quelques uns des nôtres décédés : Mgr Jacques Gaillot, ancien évêque d’Évreux, le 12 avril ; Mgr Maurice Fréchard, évêque émérite d’Auch, le 27 août ; Mgr Jean-Charles Thomas, évêque émérite de Versailles, le 14 octobre. Permettez-moi une mention spéciale de Mgr Didier Berthet, évêque de Saint-Dié, mort le 8 septembre dernier. Au milieu des joies évoquées, sa maladie et sa mort ont été un grand chagrin qui nous requiert de nous tourner vers l’espérance ; notre frère nous a édifiés dans la manière dont il s’est préparé à la mort, à dire adieu aux siens et aux autres et à la grande rencontre dans laquelle toutes les rencontres trouveront leur plénitude.

Les riches rencontres que j’ai évoquées ont été pleines de joie ; c’est la joie de l’Église, une joie qui ne trompe pas, la joie de tout le peuple de Dieu rassemblé, organisé, se découvrant Corps du Christ et Temple de l’Esprit, tourné vers la gloire du Père. La joie, nous le savons bien, en tout cas cette joie-là, ne nous détourne pas des drames de ce monde et de ce temps. Elle nous permet de les regarder en face, de les porter, de les assumer. Tout au long des mois passés, nous gardions dans notre prière l’Ukraine agressée, qui se bat pour son intégrité et sa liberté, pour que sa culture de la liberté puisse s’épanouir et s’affermir ; notre prière et notre attention étaient mobilisées aussi par les pays du Sahel qui réclament de se dégager des liens avec la France et qui connaissent aussi la forte poussée des islamistes. Nous ne devrions pas oublier l’Éthiopie, le Soudan, le Sud-Soudan où des actes de violence terribles ont été commis ou sont commis et dont les populations souffrent beaucoup, manquant du nécessaire pour vivre. Ces dernières semaines ont relancé nos inquiétudes partagées avec l’Arménie et tous les Arméniens, si présents dans notre pays :
la conquête du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan, la fuite forcée de 100 000 Arméniens accueillis par les citoyens de la République d’Arménie dont l’hospitalité dépasse les moyens, la destruction redoutée du patrimoine artistique et religieux arménien dans cette région, tout cela nous attriste profondément.

Nous nous unirons à la supplication de nos frères et sœurs d’Arménie et d’Ukraine, notamment dimanche pendant la messe et au cours des Vêpres, selon des modalités qu’on nous exposera.
Le 7 octobre a ajouté encore à ces drames. Depuis des années, nous nous efforçons, nous évêques de France, de nouer et d’entretenir des liens de connaissance mutuelle et d’amitié avec les Juifs en France et ailleurs. Ces liens sont, nous l’avons compris depuis Vatican II, consubstantiels à notre foi. Nous éprouvons d’autant plus douloureusement les atroces attaques terroristes dont des familles, des enfants, des hommes, des femmes juifs et juives, ont été les victimes dans le Sud d’Israël et l’enlèvement de certains comme otages. Nous sentons l’inquiétude profonde de nos frères et sœurs juifs, nos pères dans la foi et l’alliance, si souvent, si facilement, objets de haine partout dans le monde. Avec eux, nous réclamons la libération des otages. Je crois important de redire avec force dès maintenant ce que nous avons affirmé dans la déclaration du 1er février 2021 : « Guérir de l’antisémitisme est et sera la pierre de touche de la fraternité universelle. » Le livre publié par le service national pour les relations avec le judaïsme : « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien » est une étape importante dans le travail de fond que nous voulons mener et que nous appelons toute la société et toutes les cultures à mener. Le mépris à l’égard du peuple d’Israël, voire la haine à son encontre, n’expriment pas seulement la colère face à l’injustice. S’y traduisent toujours une volonté de négation du peuple de l’alliance avec Dieu.

Avec non moins de force, je veux dire aussi notre communion avec la population de Gaza soumise à des bombardements terribles, tuant des civils qui se trouvent prisonniers de la volonté de nuire du Hamas et de l’opération de représailles menée par Israël. En contemplant Jésus, notre Seigneur, mort et ressuscité, nous osons le dire : dans les moments de pire affrontement, il est encore possible, il vaut la peine, de chercher la vérité, la justice, les voies de la réconciliation. L’horreur des affrontements présents montre comme il est urgent de reprendre les négociations pour une solution durable en faveur des Palestiniens qui ont droit à un territoire libre et à un État comme en faveur de l’État d’Israël. Dans la plus grande contradiction, là où l’affrontement est le plus terrible, Dieu peut faire surgir des artisans de paix. Car c’est l’heure où toutes les vérités peuvent être dites, toutes les injustices dénoncées, c’est l’heure où les prisonniers peuvent être libérés, et où les renoncements nécessaires peuvent être consentis. Il faut le constater : la guerre revient comme un moyen de politique, et c’est affreux. Un invité régulier de France Culture faisait remarquer samedi que ces conflits éclatent et que d’autres menacent au moment même où le risque avéré de la transformation climatique et la diffusion universelle de la technologie appelleraient au contraire la coopération de toutes les énergies et de toutes les intelligences. Le terrorisme, de même, mobilise l’attention. Nous pensons à Monsieur Dominique Bernard, professeur assassiné à Arras tout récemment, et à toutes les personnes victimes de la violence terroriste ces dernières années et à leurs familles, celles tout spécialement qui l’ont été parce que chrétiennes. Au long de ces jours, nous prierons à toutes ces intentions ; dimanche, en plus de la prière pour l’Ukraine et l’Arménie, nous prierons pour l’avènement de la justice et de la vérité en vue de la paix en
Israël et en Palestine et nous nous unirons à un geste demandé par le Grand Rabbin de France à toutes les familles juives pour la libération et le retour des otages. Nous nous réunissons sur cet arrière-fond. Les temps d’actualités, les temps d’échange, le temps sur la jeunesse et le climat social nous permettront sans doute d’enrichir mutuellement nos analyses et d’envisager ce que nous pouvons et devons faire pour contribuer à construire la paix. Comme l’a dit un bon auteur : « Reconnaître que nous ne sommes pas tout puissants ne signifie pas que nous sommes impuissants. Et si ce que nous pouvons et ce que nous faisons paraît dérisoire, cela a pourtant du sens. Tout acte bon a toujours un sens, disait Vaclav Havel. » (Mgr Olivier Leborgne)

Trois lignes principales unifieront nos travaux : la mission, la transformation pastorale de nos diocèses et de notre Conférence, l’accueil des personnes victimes adultes d’un clerc ou d’un laïc, y compris dans des associations de fidèles.

  • La mission. Le Conseil permanent a pensé que le moment était venu de nous expliquer ensemble sur ce que nous entendons par ce mot. Une table ronde théologique, ce soir, introduira le sujet : comment annoncer l’Évangile dans un monde sécularisé à des personnes à qui le nom de Dieu ne dit rien ? Comment encore annoncer l’Évangile et la religion du Christ dans un monde pluri-religieux en un temps où nous avons appris à reconnaître les germes ou les traces de l’Esprit-Saint dans les autres religions, voire dans l’absence de religion. Nous reprendrons ce sujet dimanche soir et mardi matin. Nous espérons avoir des échanges vraiment théologiques et aussi pastoraux. D’une certaine façon, la séquence intitulée « Jeunesse et climat social » qui veut recueillir certaines leçons des JMJ ainsi que des émeutes du début de l’été et risquer un diagnostic sur ce que nous observons de la jeunesse, relève encore de la réflexion sur la mission : « A qui annoncer la bonne et grande nouvelle du salut ? ». Deux temps seront consacrés au service des relations avec les musulmans ; il fête cette année ses 50 ans ; un anniversaire d’une certaine ampleur était prévu qu’il a paru sage de reporter à des temps dont nous espérons qu’ils seront plus sereins. Nous ne pouvons pas vivre comme si notre pays n’était pas composé aujourd’hui d’un nombre important de personnes se réclamant de l’islam. Ces séquences autour de la mission ne se finiront pas forcément par des déclarations ou des projets. Elles ont pour but de favoriser le dialogue entre nous. Un fruit que nous pourrions en attendre serait de mieux comprendre ce que chacun a en tête lorsqu’il emploie le mot « mission » ou l’adjectif « missionnaire ». Toutefois, il a paru important au Conseil permanent que nous donnions un écho aux JMJ par un message aux jeunes et aussi aux Rencontres méditerranéennes et au message puissant que le Saint-Père a voulu adresser depuis Marseille, à la France entière et à tous les pays occidentaux. Un projet de prise de position vous sera proposé qui pourrait aussi, si vous l’acceptez, être notre prise de parole dans les discussions en cours à propos du nouveau projet de loi sur l’immigration.
  • La transformation pastorale de nos diocèses et de notre Conférence. L’Assemblée de mars nous a permis de choisir un scénario de transformation de notre Conférence. Il a été traduit dans les statuts. Le projet a été soumis à l’appréciation de la Secrétairerie d’État, du Dicastère pour les évêques et du conseil pour les textes législatifs qui nous ont répondu avec une célérité dont je les remercie profondément et nous avons pu facilement intégrer leurs remarques. Vous avez reçu les statuts modifiés et corrigés après l’avis du Saint-Siège. Nous avons maintenant à les voter afin de recevoir la recognitio romaine. Mais, au-delà des statuts, il y a leur mise en œuvre. Une séquence nous permettra de faire le point de l’avancée des travaux, dans l’organisation des pôles et la description du rôle des comités de pôles. Nous sommes aidés dans ce processus par M. Amaury Dewavrin, qui a accepté de nous accompagner, conformément à une des résolutions votées en mars, et de le faire bénévolement. Mais la CEF n’est qu’une pointe émergée de notre Église en France ; l’essentiel en sont les diocèses : une séquence sur leur avenir est prévue mardi. Le travail à poursuivre sur les ministères laïcs indique sûrement une piste importante pour la transformation pastorale de nos Églises. Mais sans doute le synode mérite-t-il d’être le moteur de nos transformations, et notamment de nos transformations pastorales, du moins la démarche du synode. Nous recevrons de nos délégués : NN. SS. Benoît Bertrand, Jean-Marc Eychenne, Matthieu Rougé et Alexandre Joly, ainsi que du cardinal Jean-Marc Aveline et de Mme Anne Ferrand, consacrée dans le diocèse de Rodez, qui a accepté de venir nous rejoindre pour cet échange, tous deux désignés par le Pape, un compte rendu de l’expérience hors du commun qu’ils ont vécue pendant un mois et des indications sur le travail qu’il est souhaitable que nous menions dans nos diocèses ou en assemblée plénière dans l’année qui vient. Nous les remercions déjà d’avoir pris tant de temps pour servir en notre nom l’Église universelle.
  • Enfin, l’accueil des personnes victimes adultes. Nous avons pris de grandes et fortes décisions pour les personnes victimes mineures, nous travaillons avec persévérance à les mettre en œuvre. Nous voulions tenir compte de la vulnérabilité propre à l’enfance, notamment quant à la sexualité, et la mettre en valeur même, dans une société où nous avons découvert le poids de l’inceste et des violences et agressions sexuelles. Nous avons dû constater que des personnes adultes, même équilibrées et en possession de leurs moyens, avaient, elles aussi, pu être mises sous emprise et conditionnées à subir des faits inacceptables. Un groupe de travail a été mis en place, piloté par Mme Corinne Boilley, qui  fut Secrétaire générale adjointe en charge des réalités financières, juridiques et sociales au sein de notre Conférence. Mme Boilley, accompagnée d’une personne victime, nous présentera l’état des réflexions. Du travail reste à faire dont notre discussion pourrait indiquer les chemins principaux. Les dispositifs que nous avons décidés avancent, l’inirr accomplit sa mission et reçoit des marques de gratitude.

J’ajoute pour conclure la présentation de cette assemblée, que la soirée d’aujourd’hui est propice aux réunions de province et que demain, samedi, nous vous proposerons de dîner à la table d’un des évêques des autres conférences épiscopales d’Europe qui nous font l’amitié et l’honneur de participer à nos travaux et de poursuivre ce dîner sous forme d’une table ronde et d’un temps détendu, comme nous l’avons fait l’an passé.

Le Conseil permanent a voulu, comme cela était demandé, que cette Assemblée soit un temps de rencontre entre nous, évêques, avec juste les invités nécessaires pour leur expertise ou parce qu’un sujet leur a été confié, au premier rang d’entre eux se tenant les directeurs nationaux, dont je salue le dévouement, l’engagement et la compétence qu’ils mettent à notre service. La vie qui coule ne respecte pas toujours les temporalités que nous souhaiterions. En voici un exemple : la relance du processus d’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution appelle de notre part une parole forte. Que Dieu nous permette cependant de vivre cette Assemblée dans la paix, le recueillement, l’affection fraternelle et la contemplation de ce que le Ressuscité qui nous envoie
attend de nous.

Dès ce discours d’ouverture achevé, nous entrerons dans un temps d’échanges sur l’actualité. Il s’achèvera à 10h et nous nous rendrons alors dans la chapelle de l’adoration pour un temps spirituel, comme nous en avons pris l’habitude.

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